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10/11/2023
Nawal Abboub
Nawal est experte en neurosciences.

Et si le cerveau des bébés était plus intelligent qu’on ne le pensait ?

December 22, 2022
·
5 minutes

Les découvertes de ces dernières années en sciences sur le développement du cerveau des enfants sont absolument fascinantes. Elles nous ont permis de comprendre encore plus à quel point les premières années de vie des bébés sont déterminantes pour les fondements de leurs apprentissages. Mais pas que, elles sont venues confirmer mais aussi infirmer certaines de nos pratiques pédagogiques. La science et en particulier les sciences cognitives nous ouvrent des fenêtres d’observation que nous n’avions jamais eu auparavant. Nous n’avons jamais autant progressé dans la compréhension des mécanismes d’apprentissage surtout ceux qui se déroulent dans la petite enfance. Mais quelles découvertes marquantes pour quels impacts dans nos pratiques pédagogiques dans la petite enfance ?

1. Le cerveau des bébés est-il si désorganisé ?

La capacité des bébés à comprendre le monde qui les entoure a bien longtemps été décrite comme très immature.

C’est vrai, ils sont très fragiles, ils ont du mal à se déplacer, ils mettent du temps à répondre… Tout nous porte à croire, que oui, peut-être tout se mélange « là haut ». Mais est ce que immaturité rime forcément avec incapacité ? Est-ce que le cerveau des bébés est-il si immature, si désorganisé que rien n’est vraiment  fonctionnel « là haut » ? C’est bien là toute la différence. Il est temps de revenir sur ce concept d’immaturité et de le redéfinir ensemble.

Si nous avons fait des bons de géant en science sur l’étude du cerveau des bébés, c’est bien sur ces concepts que les découvertes ont été les plus marquantes !

  • Non, le cerveau des bébés n’est pas un « Gloubi-boulga », désorganisé et sans structure.
  • Non, le cerveau des bébés n’est pas tellement immature que rien n’est fonctionnel.
  • Non, le cerveau des bébés est loin d’être une ardoise vierge, un tableau blanc sur lequel tout viendrait s’inscrire.

Oui, le cerveau des bébés est déjà très bien organisé à la naissance, capable de traiter des informations très complexes et en plus possède déjà des connaissances sur le monde !

2. Et si le cerveau des bébés était déjà pré-cablé pour apprendre ?

Bien que sa taille soit 3 à 4 fois plus petite que celle d’un adulte, il possède déjà des outils de traitement très puissants et bien fonctionnels !

En effet l’architecture cérébrale est déjà bien mise en place, des réseaux composés d’aires spécifiques sont déjà bien présents. Des récentes recherches montrent que les réseaux du langage par exemple sont déjà fonctionnels à 27 semaines de gestation 1 ! Donc oui, les bébés sont bien équipés dans leur tête pour entendre des sons de parole bien avant leur naissance. Ce qui nous montre à quel point leur cerveau est fonctionnel et est capable de traiter les sons, ce qui lui permet déjà de rentrer dans l’acquisition du langage.

C’est aussi ce que nous retrouvons à la naissance, les réseaux du langage s’activent dès qu’il entendent des sons de langage 2–4, et même ceux dédiés aux sons musicaux 5. Ils commencent même à avoir des réseaux spécialisés pour traiter des sons auxquels ils ont été exposé pendant la grossesse comme les sons de leurs langues maternelles 6. D’ailleurs ces réseaux activés chez les bébés sont très proches des réseaux utilisés par les adultes ! Donc les bébés à la naissance sont déjà entrain d’apprendre leur(s) langue(s) maternelle(s), grâce à l’exposition prénatale (ce qu’il ont entendu dans le ventre maman). Ce qui nous montre, à quel point ils sont capables de traiter des choses complexes, comme les sons de parole (parfois de plusieurs) et de construire les bases solides de leurs apprentissages !

Qu’est ce que toute ces recherches sur le cerveau des bébés nous disent ? En d’autres termes, notre cerveau est déjà pré-cablé à la naissance, voire même avant. Nous avons déjà inscrit en nous des connaissances sur le monde (comment traiter le langage, voir des visages, etc) et que nous sommes prêt à traiter les stimuli de notre environnement, comme nos langues maternelles parmi plein d’autre choses !  Il est donc temps de ne plus confondre immaturité et incapacité ! Ces compétences de traitement sont incroyables, très puissantes et s’affinent avec le temps. A mesure que le bébé baigne dans un environnement stimulant et riche de stimuli, il va gagner en expertise et en rapidité.  

3. Comprendre le développement des jeunes enfants à la lumière des neurosciences

Ces connaissances résonnent parce que nous pouvons en extraire deux choses :

  1. Le cerveau des bébés a déjà des connaissances sur le monde qui l’aide à traiter rapidement ce qui l’entoure. La preuve, sans avoir besoin de lui expliquer que le verbe est avant le sujet de manière explicite, ils sont capables de mettre dans le bon ordre les mots, sans même que vous lui ayez appris lorsqu’ils prononcent leur première phrase. C’est ce qu’en science nous appelons l’apprentissage implicite: puissant et efficace.
  2. Le poids de l’environnement est donc crucial dans le développement de ces compétences. Moins l’environnement sera riche, moins les compétences s’ancrerons de manière durable et stable. Malheureusement à cette période là, moins ça se stabilise, plus cela impacte à long terme nos compétences d’apprentissages (et pas que).

C’est pourquoi il est temps de prendre en compte les données de la recherche et de la science en général, bien trop souvent isolée dans les laboratoires, pour les remettre au cœur de nos pratiques et les prendre comme un guide, un repère où nous pouvons avancer sereinement. Utilisons la science et la démarche scientifique pour créer des outils de qualité pour accompagner le développement des enfants dans leurs apprentissages. Basons nos pratiques pédagogiques et nos postures en fonction de nos observations fines des enfants pour impacter à long terme leur capacité d’apprentissage et leur donner le meilleur pour le reste de leur vie.

Références

  1. Mahmoudzadeh, M. et al. Syllabic discrimination in premature human infants prior to complete formation of cortical layers. Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A. 110, 4846–51 (2013).
  2. Peña, M. et al. Sounds and silence: an optical topography study of language recognition at birth. Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A. 100, 11702–5 (2003).
  3. Dehaene-Lambertz, G., Dehaene, S. & Hertz-Pannier, L. Functional neuroimaging of speech perception in infants. Science (80-. ). 298, 2013–2015 (2002).
  4. Gervain, J., Macagno, F., Cogoi, S., Peña, M. & Mehler, J. The neonate brain detects speech structure. Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A. 105, 14222–14227 (2008).
  5. Perani, D. et al. Functional specializations for music processing in the human newborn brain. Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A. 107, 4758–63 (2010).
  6. Abboub, N., Nazzi, T. & Gervain, J. Prosodic grouping at birth. Brain Lang. 162, 46–59 (2016).

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